Ce qui s'annonçait comme une gageure à l'issue douteuse s'est donc finalement avéré très intéressant sur le plan pédagogique, pour plusieurs raisons.

La première est la concordance immédiate entre notre projet pédagogique spécifique et cet impératif de construire le projet retenu, en ce y compris le respect d'une échéance et d'un budget (à couvrir par les rentrées – incertaines – d'une fête de vernissage, et donc à maintenir au plus bas possible). Dessiner les plans, récupérer des matériaux, lever des fonds, trouver du matériel et construire à proprement dit... c’est surtout une vraie leçon de vie pour les étudiants qui apprennent leur futur métier d’architecte de manière concrète.

Sur le plan architectural, la mise en pratique du projet a mené à une meilleure intégration des détails constructifs. Un exemple en est l'évolution en cours de chantier de la fixation des plaques de carton ondulé au plafond. Au départ de simples clous placés transversalement, il a été constaté que ces fixations, fort ponctuelles, risquaient de poinçonner le carton. À la fin, la fixation a été "réétalée" à l'aide de capsules de bière : solution efficace, mettant en évidence la récupération de manière à la fois explicite et ironique, amenant une certaine décontraction dans l'espace et témoignant d'un certain humour par rapport au programme.

Cette approche constructive a culminé avec la présentation du travail effectué au reste de la communauté de l'école, par un vernissage festif, bien mérité.

En l'espèce, la contribution directe des étudiants à la création de l'atelier les a menés à l'appropriation de leur espace, ce qui y a facilité leur travail durant le reste de l'année académique.

Ensuite, le travail en groupe a permis de faire connaissance entre tous les intervenants (étudiants comme enseignants) qui n'avaient pas encore eu l'occasion de travailler ensemble. C'était particulièrement approprié à l'heure où non seulement la Cambre fusionnait avec une autre école d'architecture bruxelloise, l'Institut Victor Horta ; mais où de plus les échanges internationaux s'intensifient, étendant l'espace Erasmus vers le Maghreb, les pays de l'Est et le Québec.

Cela constituait également une approche de la dimension collective du travail en architecture, avec le développement de moyens de travail appropriés : brainstormings, codes de communication empruntés aux mouvements participatifs, prise de décision par démocratie directe, etc.

L'émulation qui a découlé de cette approche collective a permis que chacun s'implique dans le projet, et que les énergies soient correctement exploitées pour mener le projet à son terme malgré les contraintes.

Enfin, l'imposition d'un "budget zéro" (même s'il y a quand même eu achat de quelques fixations) est particulièrement intéressante car il a permis aux étudiants de prendre conscience de la grande quantité de matériaux qui sont jetés alors qu'ils pourraient encore servir, ou être valorisés d'une quelconque manière. C'est la preuve que notre système économique ne fonctionne pas encore "en cycle fermé", que des "fins de cycle" restent incomplètes. Cette prise de conscience fait également partie des objectifs de l'atelier : construisons, certes, mais d'où viennent les ressources utilisées ? Quelles quantités sont nécessaires ? Quelle quantité d'énergie est requise pour leur mise en œuvre ? Et que deviennent tous ces éléments et matériaux lorsque le projet est déclassé ?